Je rencontre Phyu, tatoueuse,
à son atelier dans les faubourgs de yangon.
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Phyu, artiste-tatoueuse / Tattoo artist
Phyu est une jolie jeune femme de 26 ans qui parle avec douceur et qui comprend l’anglais. Je lui demande comment elle en est venue à ce métier. Elle me répond qu’après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle s’est mise rapidement à dessiner et à apprendre le tatouage.
Sa spécialité: des tatouages dans les tons de gris.
Sur son compte Facebook elle montre son travail, son press-book en quelque sorte, les thèmes sont variés et parfois très colorés. Elle a un talent pour ce travail. Sa clientèle est diverse et vient à elle à travers son compte Facebook et le bouche-à-oreille.
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Encres de tatouage – Tattoo ink.
Elle gagne bien sa vie. Je lui demande qui a réalisé ses tatouages sur son bras et ses jambes, elle me répond qu’ils ont été faits en Norvège lors d’un séjour. Elle ne sait pas si elle va travailler toujours dans ce domaine. Elle évoque le mariage et les enfants qui marqueront sûrement une interruption.
le 6 mars, je revois Phyu à son atelier. J’arrive un peu en avance et la grille devant la porte de son appartement est fermée. Je n’avais vu jamais vu cela auparavant, mais ici on sécurise parfois les portes des appartements par des grilles cadenassées. Nous échangeons quelques phrases avant que son client n’arrive à son tour.
C’est un jeune homme décontracté de 30 ans environ qui s’appelle Aung Kyaw Kyaw. Il a déjà des tatouages sur le bras et sur le côté gauche de sa poitrine: le dessin du portrait de son père. C’est Phyu qui l’a réalisé.
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Pédale de commande de l’appareil à tatouer. Tattoo control pedal.
Aujourd’hui, il a décidé d’honorer sa mère et de se faire tatouer son image sur le côté droit de sa poitrine. En quelque sorte en face de son père. Il m’explique que pour lui les tatouages sont une manière d’exprimer ses sentiments et de mettre en avant sa personnalité. L’ancienne génération comme celle de sa grand-mère n’était pas habituée à ces tatouages. À tel point que sa grand-mère ne veut plus le serrer dans ses bras avec ses tatouages. Je lui demande si c’est douloureux et il me confirme que ça l’est, mais que cette douleur est bonne et que d’une certaine façon le tatouage doit se mériter. Il ne veut absolument pas prendre de médicament pour supporter cette douleur, il faut qu’elle existe.
Après quelques mesures pour la taille du futur tatouage, Phyu imprime l’image sur papier à l’échelle finale qui va servir de modèle. Avec un système de transfert par une feuille carbone, elle redessine les contours principaux du visage sur l’impression papier, puis elle applique la feuille délicatement et avec beaucoup de précision sur la peau de Aung Kyaw Kyaw et le transfert des contours se fait. Cela se passe devant un grand miroir pour qu’il puisse juger de la taille et de la position.
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Dessins originaux des tatouages. Original drawings of tattoo.
Commence alors le tatouage. Aung Kyaw Kyaw est allongé sur un banc comme ceux utilisés pour la musculation. Tous les instruments et les encres sont préparés sur une petite table et tout semble propre et stérilisé. Les encres noires sont préparées dans de minuscules flacons. Un ami de Aung Kyaw Kyaw est venu pour prendre quelques photos de l’événement. Tout se fait avec concentration et dans un silence total. Progressivement, les contours de la mère du client prennent forme sur sa peau.
Il est presque émouvant d’assister à cet acte irréversible qui se produit pour l’existence entière sur ce que nous avons tous de plus personnel et de plus précieux: la peau.
Cette peau unique et irremplaçable qui nous habille toute notre existence.
Vers 14 heures, le premier stade du tatouage se termine et nous nous quittons. Phyu me propose de me transmettre plus tard la photo du tatouage qui sera terminé lors d’une prochaine séance.
Phyu artiste tatoueuse.
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Comment
Très sympa et intéressant, merci à vous trois !