En tournant autour de son stuppa doré, j’ai vu s’approcher un infirme qui a du pénétrer par une des 4 entrées cardinales qui souvent donnent accès à ces pagodes, dont une pourvue d’un ascenseur et c’est certainement celle-ci qu’il a emprunté. J’ai été frappé par sa taille et par son infirmité. Il n’avait plus de jambes et avançait péniblement sur son bassin ou son fessier avec une canne sous un bras et un « patin » en bois dans la main opposée. Nous ne sommes pas habitués dans nos sociétés occidentales très médicalisées à faire ces rencontres. Il m’est difficile de détourner la tête et d’oublier cette image et surtout l’existence et la souffrance physique et morale que cet homme peut endurer avec une telle infirmité. J’attendis quelques minutes pour voir comment se comporteraient les « locaux » en croisant cet infirme et en pensant peut-être adapter mon attitude à la leur. Mais les quelques visiteurs et fidèles qui passèrent n’eurent pas de regards ou d’attention pour cet estropié.
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Lui, il me regarda en me lançant un sourire. J’essayais alors de lui transmettre en retour le sourire le plus naturel et le plus franc possible en me baissant pour lui tendre quelques billets qu’il prit de sa main aussi invalide. Je l’ai revu ce matin puis en début de soirée « posé » à côté de deux fidèles qui discutaient avec lui, et il m’a fait un signe et un sourire à distance que je lui ai aussitôt retourné un peu comme si nous étions devenus familiers.
Et pourtant j’ai honte. Honte de me plaindre parfois d’un état aussi peu handicapant au regard d’une telle infirmité. Honte d’être ce que je suis et de croiser ce qu’il est. Honte pour tous ceux qui ont la chance d’être encore bipèdes et qui ne daignent même pas adresser un sourire, voir un regard à ce misérable privé de ses jambes.
En continuant la visite circulaire de cette pagode
Une voix monocorde se fait entendre d’une de ces salles de prière qui répète en boucle un couplet.
Le moine de Shwesandaw.
Rapidement un moine me salue avec un grand sourire et me propose de le suivre pour la visite du « vestige » qu’il occupe avec d’autres. C’est une maison vieille de 108 années et dont la façade est assaillie par la végétation composée de fougères, de mousses et de plantes diverses qui se sont développées grâce à l’humidité des murs.
Au rez-de-chaussée, la pièce principale semble très polyvalente et doit servir de salon, de salle de prière, de chambre à coucher, de coin loisir et lecture et héberge sûrement plusieurs moines ou moinillons. La conversation est aussi limitée que mes connaissances du birman et donc après quelques gestes et sourires, je le remercie de son hospitalité et continue ma visite des lieux.
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